... voilà ce qu’ont dû signer des employés d’une usine chinoise de Foxconn Technology, fournisseur taiwanais de composants d’Apple.
-- D’après source AFP du 26 mai 2010 --
C’est la mesure prise par la direction de cette entreprise après le 10ème suicide dans cette usine chinoise depuis le début de l’année.
Les méthodes de management ne sont pas en cause d’après la direction qui pointe plutôt des raisons personnelles dans plusieurs cas de suicides.
Quelques mots sur les conditions de travail des salariés
Les salariés travaillent 12 heures par jour, 6 jours par semaine. Le salaire mensuel est équivalent au prix d’un IPhone (300 dollar). C’est justement des IPhone que produit l’usine chinoise en question (mais aussi des composants pour Hewlett-Packard et Dell).
C’est une population jeune (18 à 24 ans) vivant bien souvent loin de sa famille.
Il ressort de l’avis de salariés interrogés que l’isolement des salariés est renforcé par l’interdiction qui leur est faite de parler avec leurs collègues pendant le travail sous peine de réprimande.
L’isolement ajouté à la place que prend le temps travail donnent un sentiment de vide.
Que penser d’une telle réponse aux suicides ?
En matière de prévention, on s’efforce en toute logique de s’attaquer aux causes. Là de toute évidence nous sommes au bout du bout de l’opposé à ce principe.
Voilà pour une question de principe de prévention.
Maintenant en terme de raison ? Quelle peut être l’efficacité d’une telle mesure ?
On imagine parfaitement une personne désespérée prête à basculer dans le vide sur le toit de son usine. Et puis, au dernier moment, juste au moment où le mince équilibre tend vers le déséquilibre, le souvenir d’un engagement écrit va retenir le désespéré ... forcément, s’il ne respectait pas son engagement, on pourrait lui taper sur les doigts une fois arrivé en bas.
Alors, peut-être que les occidentaux que nous sommes n’ont pas la capacité de comprendre une telle mesure qui aurait peut-être un sens dans la culture chinoise ?
On peut simplement suggérer aux dirigeants d’entreprises occidentales de ne pas s’inspirer d’une telle idée face à une vague de suicides.
Quels pourraient être alors des formes de réponse ?
Parlons déjà du premier réflexe face à une annonce de suicide.
Malheureusement, dans bien des circonstances, la première réaction de la direction d’une entreprise face à un tel problème est une réaction défensive, souvent selon le même mode "La cause n’est pas professionnelle. La personne rencontrait des problèmes personnels".
Ce type de réflexe est de mon point de vue bien imprudent et on pourrait appeler les dirigeants et leur service de communication à tout simplement plus de prudence en première intention.
Il est vrai que la tentation est bien grande par ailleurs de stigmatiser le dirigeant aussi en première intention. Donc la prudence s’adresse bien à tout le monde en la matière.
L’autopsie psychologique et la détermination des causes n’est pas forcément aisée. La détermination des responsabilités non plus. En précisant toutefois que l’employeur a une obligation de résultat en terme de préservation de la santé des salariés, et non seulement une obligation de moyens. Et ce n’est pas rien en terme d’obligation en la matière.
Comme évoqué précédemment, des bons principes de prévention voudraient que l’on s’attaque aux causes.
Et en matière de suicide, il faudrait être prudent face à une réponse qui se contenterait de mettre en place un réseau de détection des personnes susceptibles de franchir le pas.
Non pas que cette mesure soit forcément impertinente en soi, mais il faut bien considérer qu’une telle mesure ne s’attaque pas aux causes de la souffrance au travail.
Il s’agit bien de mettre en oeuvre des actions de prévention primaire, à intégrer dans l’évaluation des risques professionnels (en rappelant l’obligation de la tenue d’un Document Unique d’Evaluation (DUE)des risques professionnels dans toutes les entreprises).
Comme l’indique l’Accord National Interprofessionnel sur le Stress au Travail signé par les partenaires sociaux en novembre 2008, les causes peuvent être recherchées dans l’organisation du travail, l’environnement du travail et la communication.
Et la responsabilité des donneurs d’ordres et des consommateurs ?
Combien d’entre nous avons un Iphone ... peut-être bientôt un IPad ? Nous sommes-nous posé la question des conditions de travail de ceux qui ont contribué à ce que ce bijou trône dans notre poche ?
Et les dirigeants d’Apple ? Leur service des achats ? S’en sont-ils posés des questions ?
L’arrivée prochaine de la norme ISO 26000 initiée par les organismes de consommateurs des pays occidentaux pourrait répondre à de tels questionnements.
En effet, cette norme dans le domaine de la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE)doit renforcer la réflexion des entreprises par rapport aux conditions de travail de leurs sous-traitants et fournisseurs.
Concernant les consommateurs, considérés individuellement, on peut évoquer le nouveau concept de consom’acteur : le pouvoir du consommateur citoyen de choisir les produits de fabriquants assurant de bonnes conditions de travail à leurs salariés.